Témoignage

Découragée, apeurée, sans espoir. C’est ainsi que je me sentais. J’avais l’impression que ma vie n’était qu’une suite sans fin d’échecs et de violences. Que je n’avais aucun contrôle depuis que j’étais toute petite. Pourquoi toujours moi ? Après les abus, la violence. Je ne pouvais plus vivre dans cet état. Quand les idées noires ont envahi ma vie, quand j’ai compris que j’allais encore toucher le fond, j’ai eu peur. Cette fois, je n’avais pas peur des autres, mais de moi-même. C’est alors que j’ai tenté, une dernière fois, de trouver de l’aide. Heureusement, il a suffi d’un seul coup de téléphone pour enfin trouver un endroit où je me suis sentie comprise, écoutée, supportée.

Tout ce dont je me rappelle, c’est que j’étais toute petite. Je m’en rappelle parce que je devais grimper pour m’installer sur ses genoux. Je me rappelle des odeurs, celle de la cave humide, celle du tabac froid et celle des bouteilles de Pepsi vides entassées sur son établi. Je revois dans ma tête les vitres sales et la poussière qui semblait flotter dans l’air, soulignée par les rayons du soleil et soulevée par les courants d’air. Ces images, imprimées dans mon esprit, c’était moi, l’enfant qui tentait tant bien que mal de se distraire des doigts de mon agresseur que je sentais fouiller mon intimité de petite fille.

Sans comprendre vraiment ce qui se passait, je ressentais un grand malaise que je ne pouvais nommer. J’étais trop petite pour comprendre ou expliquer ce qui se passait. Adoptée alors que j’étais bébé, je souffrais de l’abandon. Je recherchais l’attention et je manquais cruellement d’amour. Je voulais tant qu’on s’occupe de moi ! Je voulais enfin être importante pour quelqu’un. J’étais certainement une proie facile, sans méfiance. Inutile de vous confier que ces premiers actes de violence m’ont détruite peu à peu. Que ce fut le début d’un cauchemar qui a duré 40 ans. J’étais une enfant abusée que personne n’a voulu croire, élevée dans la solitude par des parents blessés eux aussi dans l’enfance, maintenant négligents et violents.

Aide pour enfant victime d'agression sexuelle

En quittant la maison alors que j’étais adolescente, je me suis retrouvée tout de suite dans une relation amoureuse abusive et violente où j’ai failli y laisser ma vie. Voyez-vous, les abus et la violence engendrent des comportements destructifs et modifient la perception qu’on a ensuite des relations humaines. Ces actes répétitifs ont affecté gravement l’espoir d’une autre vie plus joyeuse. On pense alors que le bonheur c’est pour les autres. On endure la souffrance. Jusqu’à ce qu’on en puisse plus.

J’ai trouvé les ressources de la Traversée par hasard, sur internet, un jour où je n’en pouvais plus de penser que ma vie ne serait que « ça », imprégnée d’une suite de souffrances, de violence et de trahisons. Je voulais que mes enfants aient une vision positive de la vie, un modèle différent. Je refusais alors de répéter le passé. Je ne pouvais me résoudre à croire que tout cela était arrivé pour rien. Il aura suffi d’un appel pour changer ma vie. Je me suis présentée pour un premier entretien avec un psychologue avec mes craintes, ma douleur, ma honte et ma culpabilité. Pour la première fois de ma vie, on m’a crue, on m’a écoutée, on m’a encouragée à raconter mon histoire et on a reconnu ma grande souffrance intérieure. On a promis de m’aider si j’acceptais de m’investir pleinement dans ce chemin qu’on ouvrait devant moi. J’ai dit oui.

Témoignage: victime d’agression sexuelle

Un an ou presque, chaque semaine, même jour et même heure. Une longue et difficile traversée pour reprendre le passé et comprendre tout doucement ce qui a bousculé au fond de moi depuis les premières blessures laissées par les agressions répétées et la violence qui a suivi. Comprendre pourquoi je commettais des gestes dont j’avais honte et pourquoi je n’arrivais pas à rompre avec ce cercle de violence. Un parcours appuyé par des professionnels qui m’ont démontré de l’empathie, qui ont reçu ma souffrance et qui m’ont confirmé que ce que j’avais vécu était très grave et que malheureusement, tout cela avait laissé des traces profondes en moi. Ils m’ont aidé à laisser tomber une à une les barrières de la peur, de la honte et de la culpabilité. Ils ont réussi à me convaincre que j’étais capable de passer à travers ce cheminement. Après tout, j’avais connu bien pire ! J’ai fait confiance et j’ai eu raison.

Je mentirais en disant que ce chemin est facile. Mais mon raisonnement est le suivant. Je souffre depuis 40 ans. J’ai mal, je rage, je souffre. Je gâche ma vie avec ce cauchemar. Et si c’était vrai ? Et si je pouvais vraiment être heureuse et ne plus penser à tout ça chaque jour ? Et puis, c’est arrivé. Je me suis sentie mieux. J’y pensais moins souvent. J’ai pleuré un jour après m’être rendue compte que je n’avais pas pensé à la violence et aux agressions la veille. C’était la première fois.

Pendant cette thérapie si différente qui nous confronte à nous-même, j’ai pris des décisions parfois difficiles. Alors que dans les thérapies précédentes, les psychologues que j’avais consultés écoutaient et me suggéraient d’oublier le passé pour mieux planifier mon avenir, on me demandait cette fois de reculer, d’explorer ce passé douloureux et de fouiller ma mémoire pour enfin comprendre le pourquoi derrière ces gestes, puis m’inciter doucement à réaliser mon propre rôle dans les actions traumatisantes du passé. Plutôt que de nourrir mon sentiment de victime, on me guidait tranquillement sur un chemin où j’ai pu prendre conscience de l’impact de ces gestes sur ma perception des relations humaines et sur l’estime que j’avais de moi-même. J’ai été par la suite en mesure d’effectuer des choix différents, parce que je n’étais plus la même, je n’étais plus seulement celle qui avait subi. J’avais changé. Ma perception de la vie aussi.

Aujourd’hui, je suis heureuse. Je n’aurais jamais pensé que cela puisse être possible pour moi. Pas après les abus, la violence, le viol, la mort toute proche. Je pensais que c’était fini et que j’étais trop brisée. Je reconnais maintenant ma valeur. Je sais que le bonheur est au fond de moi et qu’il dépend de mes décisions et de mes choix. J’ai appris à me faire confiance. Je ne suis plus une victime, ni une survivante. Car grâce à cet appel à La Traversée, ce premier acte de courage de ma part, j’ai appris à vivre et non plus à simplement survivre. Je n’ai pas de mots pour faire comprendre totalement à quel point ma vie est transformée. Je souhaite que tous puissent avoir accès à cette traversée.

Marie-Karina

Témoignage: victime d’agression sexuelle